Chroniques d’un éclopé, Jean TURCAT

1 – Skaturbanism dans la cour Mably, rappel des faits 

Flashback, printemps 2024 (et plus loin encore). 

La cour Mably avait été:

  • un couvent de Dominicains
  • le siège de la société des Amis de la Constitution
  • une bibliothèque municipale 
  • un musée lapidaire, consacré à la conservation de sculptures en pierre et de vestiges monumentaux. 

La mairie avait permis une réunion dans la cour et sa salle capitulaire, un ancien lieu de communication. David Manaud, ici pour la première fois:

« Ça me fait TROP penser à une scène de Vidocq… »

On avait bien tourné une scène du film sur les toits des immeubles autour de la cour, mitoyens de l’église Notre-Dame de Bordeaux! 

« Skaturbanism »… Quès aco?!

Faire du skate, c’est organiser des mouvements de manière méthodique. L’urbanisme, et l’architecture, requièrent une nomenclature similaire. 

C’est aussi se soumettre à des lois, de la physique indubitablement, mais davantage aux règles juridiques; « skate » résonne comme l’expression de nuisances, de dégradations et nombreuses sont les personnes qui s’offusquent de la prolifération de skaters. 

Bordeaux réunit, depuis de nombreuses années, des skaters influents. Léo Valls est le premier skater bordelais à s’être penché sur l’apport du skate à la ville. Il révélait, à sa manière, les interdépendances entre habitants, travailleurs et différents types d’autorité. Ces solidarités ne peuvent mener qu’à l’utilité publique. City Skate Collective, Côte Ouest, Léo Valls et tous.tes les intervenant.e.s de la première édition de Connect avaient suggéré des modalités d’action pour capter et captiver des publics, les inviter à agir pour le bien commun d’une cité et observer, à travers le prisme d’un jeu, que le skateboard s’imposait depuis les années 1970 comme un phénomène social dont la vocation était de mener les individus vers un vivre-ensemble respectueux de la ville – en tant qu’espace d’expression – de ses infrastructures et, surtout, de ses habitants.

2/ Symboles, symbolisme(s)

Le skate était-il touché par l’IA? Il y a de fortes chances pour que Connect « survole » le sujet, d’actualité et problématique. 

Une IA est, premièrement, une industrie polluante. Cynisme à son paroxysme: consulter ChatGPT et frémir. Contradictions de l’efficacité! 

L’excellent compte Instagram @sw_greend, malheureusement, n’en parle pas (encore). S’en alors remettre  à consulter un « simple » moteur de recherche.

Lire un auteur de science-fiction, décédé presque dix ans plus tôt, qui « mettait en scène » le concept même d’IA. L’être humain s’en remettrait selon lui évidemment au principe. La modernité, en sciences humaines et sciences sociales, suppose que “grâce à” l’amélioration des savoirs et de l’exploitation de ressources techniques et technologiques – au détriment des ressources naturelles – l’accès à l’information ne cesserait d’être de plus en plus rapide. 

Et le skate, alors?

Moteur de recherche. Résultats… surprenants! Sélection d’articles, français, d’un ennui profond: skates « améliorés », qui avancent grâce à un signal électronique. Un “machin” ressemblant à un skateboard, plus dangereux, qui n’encourage pas au dépassement de soi.

Traduction anglaise. Accéder au site Internet de référence: Jenkem. Si l’article évoquait l’I.A., associée au skateboard, c’était seulement parce que certaines compétitions faisaient désormais appel à un jury, commandé par I.A.

Science-fiction…? La machine, dans ce registre, est bien souvent l’ennemi! Or le skateboard est déjà une machine infernale: génératrice de dépassement de soi par fissuration de tissus cartilagineux, accélérateur de particules de frustration lorsque le trick n’est pas rentré, et développement malsain de l’esprit de compétition.

Le skateboard doit conserver une part de mystère, quitte à persister dans la thématique symboliste: conservons ce culte des idées, ce sens esthétique sans limites! 

Mais, avant toute chose, ne pas trop réfléchir inefficacement!

3/ Pourquoi participer à Connect? 

2024: encadrement et modération de deux panels sur le skaturbanisme; je cible la fameuse(!) bienveillance. 

Selon les âmes les moins charitables, qui réfléchiraient à la place des autres, ce serait une représentation des plus galvaudées; pourtant, on ne pouvait se rire de la volonté d’être, simplement, respectueux des particularités de chacun.e. Les points de vue les plus réducteurs de l’analyse – « on-ne-peut-plus-rien-dire » – opposés aux bonnes œuvres des « bien-pensants », étaient une perte de temps. 

Connect, soutenu par une équipe de bénévoles, a à cœur de satisfaire le public, curieux de découvrir les différentes facettes du skaturbanisme; respecter les actions des associations, menées à travers le monde, pour réunir des publics qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés si la fameuse bienveillance – et le skate! – n’avaient pas été le cœur même du projet. C’était un régal!

Il ne s’agit pas seulement de skateboard! C’est évoquer sa bonhomie et sa relation à l’urbanisme, l’organisation et l’aménagement des cités. En assurant la promotion de ce festival international, sur les réseaux sociaux ou différentes plateformes, en poursuivant nos investigations en termes de skateboard, d’urbanisme et du respect de chacun.e, ce festival sera une gloire locale! 

Faisant moi-même partie d’une association humanitaire, j’ai conscience que mes efforts ne sauveront pas le monde. Une troupe d’acteurs et humoristes français avait ceci dit un jour expliqué, pour justifier une programmation poignante à dessein car animée par l’humour le plus noir ou le plus scabreux (et des convictions politiques évidentes): « On sait très bien que le Grand Soir n’arrivera pas mais si on peut faire en sorte que le « Petit Matin » arrive, c’est déjà ça! »

4/ Nuisances cool

Sorti sur le label hollandais Knekelhuis, LE DON DES LARMES de la musicienne franco-algérienne LÉO LA NUIT, était une réussite. Léo est le prénom que la musicienne avait donné à son nouveau-né. Disque composé, enregistré, pendant sa grossesse; douce pop, d’inspiration folk nord-africaine, flirtant avec de mystérieuses sonorités expérimentales, “à la Nico”, mannequin allemande reconvertie en actrice, puis chanteuse et musicienne dans les années 1960 contant ses inspirations celtes, germaniques et orientales. 

Plus jeune, en pleine forme, aurais-je apprécié skater en écoutant ces morceaux? Selon moi, tout style musical pouvait faire partie d’une bonne session de skate, et donc du montage d’une vidéo! 

Du rap au black metal – encore plus pointu – des groupes Death In June à This Mortal Coil, en passant par le jazz ou le reggae dancehall, il y a toujours eu une connexion entre la puissance et la légèreté des séquences vidéos, des skate tricks et des skate lines, des tentatives ou des chutes, capturés par l’objectif d’une caméra, et les enregistrements de ces musiciens aux inspirations variées. 

Quid de ces skateurs-musiciens, ou définitivement liés à des groupes? Jim Muir avait fait partie d’un des plus célèbres et plus vieux skate teams au monde, son frère Mike était le chanteur du groupe crossover thrash metal Suicidal Tendencies de Venice Beach en Californie. Matt Hensley? Street skater américain des plus respectés des années 1990, et accordéoniste du groupe de « celtic punk » Flogging Molly… Glenn E. Friedman, un des photographes de skateboard les plus connus au monde, avait également saisi nombre de clichés de groupes comme Black Flag, Beastie Boys ou d’autres artistes signés sur le label hip-hop Def Jam… qui avait également soutenu Slayer (découvrez sur Internet ce célèbre cliché de 1991 de Tobin Yelland à San Francisco, montrant John Cardiel, devant une bannière du groupe de “la Big Four” du thrash metal américain originaire de la Bay Area). 

Connect a décidé de rendre hommage au lien, indestructible, entre skateboard et musique, peu importe l’étiquette qu’on lui donne. 

Il n’y a qu’à écouter les bandes-son des video parts de Léo Valls, qui sortent par exemple à l’occasion de Connect, et qui saluent le talent d’artistes internationaux, pour établir que l’on ne peut penser à la cacophonie du street skating sans y mêler des musiciens de génie. 

Et Nicolas Malinowsky, DJ de service de Connect (skater de renom, directeur artistique talentueux, notamment de feu-CHILL Skatemag) sortiras-tu un jour le single de cet hallucinant morceau trip-hop qui avait servi à illustrer les images de ce trip Cliché, à Casablanca, il y a vingt ans? Nicolas est accompagné de Miko et Daslim pour un DJ set le jeudi soir, ceux de la soirée MX crew x Ed Banger Records le vendredi soir, la performance live du collectif féminin de jazz Mellifera en fin d’après-midi le samedi et le DJ set de Les Viatiques le soir et enfin le DJ set final, celui de DJ Gramboy.

Le skate et la musique ont en commun une transmission de sensations et d’émotions que l’on ne pouvait ignorer.

5/ Identité

L’identité de chacun.e est une force. Le skateboard? C’est, surtout, un mystère. Alors, l’identité d’un.e skater…! 

Certaines personnes n’avaient jamais ressenti l’intrigante « démangeaison » des zones cérébrales concernées par le besoin de nouveauté(s), de prise de décision et d’attirance pour le risque. 

Il m’a toujours paru essentiel de partager ma fascination pour le skateboard. Préadolescent, je laissais en évidence, dans les différentes pièces de la maison, mes magazines de skateboard pour que ma famille ne découvre les choses que je préférais désormais. 

J’ai pris les dispositions nécessaires pour me définir comme skater. C’était, dorénavant, mon identité. Ce qui allait me permettre de relever les défis des différents âges d’une vie, c’était ces sensations de liberté, d’épanouissement et de défi, parfois de frustration, que le skate me faisait ressentir. 

À l’adolescence j’avais sympathisé avec des skaters plus âgés, voire influents, qui avaient admis que mon intérêt était sincère. Désormais, je pouvais faire partie de leur clique, non pas parce que j’étais le meilleur: parce que mon intérêt et ma passion étaient sincères. 

Aujourd’hui je peux à peine monter sur une planche et filer comme avant. Mais jamais un curb en marbre ne m’empêche d’imaginer les sensations que je pourrais ressentir à son contact, avec un peu de vitesse. 

Après tout, être skater, c’est mon identité. 

Lorsque je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas que je me laisse emporter par cette désagréable sensation d’abandon, j’ai prêté attention, curieux, à ces personnes qui, par leurs témoignages, avaient fait de leur expérience d’individus forts d’une culture et d’une identité particulières un moyen de faire valoir l’importance du skateboard dans un mode de vie productif et un engagement positif.

C’était l’essence même du skaturbanisme. 

Le skateboard, les sciences et le bien-être n’étaient pas des notions antinomiques.

Le skateboard n’était pas un mode d’expression antisocial et individualiste (il y avait malheureusement des exceptions à la règle…). 

Le skateboard, la création et la conceptualisation n’étaient pas éloignés ou contradictoires. 

Le skateboard est le révélateur de votre identité.

6 – Japon

Chaque continent offre une approche et une expérience du skateboard qui lui sont propres. 

L’Histoire et les traditions, la Culture (au sens large), l’organisation (aussi bien politique, territoriale que identitaire) varient d’une péninsule à l’autre. Les individualités se construisent, pourquoi pas, en fonction de l’empreinte d’une identité qui, parfois, de l’extérieur, relèvent plus de la caricature qu’autre chose. 

Si l’on s’attarde sur la liste de mots clés suivante: skate, Japon, systèmes et organisations historiques, on l’aura compris, c’est surtout de sujets mystérieux que l’on débattra. Cela mériterait une thèse! 

Le skate de rue japonais souffre depuis toujours de l’autoritarisme du pays. On pourrait penser que c’est relativement contraire à sa réputation de pays pourtant ouvert à la pop culture. Le skate est pourtant interdit, réprimé; en journée cela impose de ne skater sur un spot précis que sur un laps de temps très court, avant que les forces de l’ordre ne rappliquent, et ne répliquent!  

D’un autre côté, de grosses compétitions de skateboard qui ont lieu sur des skateparks étudiés pour être de véritables arènes sont parfois organisées et réunissent un public important. 

Mais la nuit, dans la rue, on assiste à d’autres scènes!

C’est d’ailleurs la particularité de nombre de vidéos de skate japonaises de proposer, et de présenter, des séquences nocturnes, un skate rapide et incisif. Un skate…ninja

Les vidéos 

de compagnies japonaises de skateboard sont assez peu disponibles sur de célèbres plateformes de diffusion sur Internet, à l’inverse de toutes les compagnies américaines ou européennes. 

Le skate japonais possède une identité qui lui est propre, Connect le sait bien; au sein de l’organisation ou parmi de nombreuses personnes invitées à intervenir pour des topics ou des expositions on avait traversé les cieux pour en prendre plein les yeux au sortir de l’avion. Le Japon étant un pays de contrastes, entre la tradition d’un côté – sa culture et son passé impérial – et la modernité de l’autre – la technologie, les modes – il est évident que l’on s’y perd. 

Les skaters, eux, s’y retrouvent-t-ils? 

L’an passé, Lui Araki avait exposé ses photographies. Son travail était délicat, sensuel, il avait fortement impressionné le public. Cette année encore le Japon est mis à l’honneur, d’un point de vue beaucoup plus théorique; des sachants, en provenance d’une université japonaise et fascinés par le skateboard autant que par le lien qu’il entretenait avec l’urbanisme, ont pris la décision de présenter leurs travaux et leurs idées à un public qui, de source sûre, ne s’attend pas à en apprendre autant!

7 – Connect: think tank du skateboard?

Connect peut être comparé à un think tank, parfois défini comme un « groupe d’experts », la traduction française serait « cercle de réflexion », un « réservoir de pensée » ou encore un « laboratoire d’idées ». 

C’est une approche typiquement nord-américaine, selon l’ « academic » James McGann. Celui-ci identifie les think tanks comme « des organismes de recherche, d’analyse et d’engagement dans le domaine des politiques publiques permettant aux décideurs politiques et au public de prendre, à juste titre, des décisions éclairées sur les politiques publiques ». Selon Richard N. Haass, directeur de la planification politique de l’ère Bush Jr/Powell, la première des caractéristiques d’un think tank afin de contribuer à la politique publique est de « générer des idées originales et des options politiques ».

Connect réunit les acteurs-ices d’une communauté de personnes qui ont à cœur de dévoiler l’évolution – voire l’élévation – de la conceptualisation politique du skateboard. Elle est primordiale. La simple lecture du terme « politique », dans un texte dont on pourrait penser qu’il ne traite que de skateboard, peut sembler inappropriée; l’idée que l’on se fait du skateboard, en tant que simple loisir, est bien souvent réductrice: un loisir enclavé… dans des skateparks? Soit. 

Mais le skateboard de rue – Connect fait office de force probante – est un loisir aussi bien métaphorique que physique. Cette activité et cette expression libre suppose en amont d’être le résultat d’une chorégraphie des plus techniques, certes, mais, en aval, relevons également que la réflexivité qui se dégage des justifications de cette pratique, aussi bien objectives que symboliques – dans le cadre de disciplines comme la santé publique, l’information et la communication, le travail social, les arts, les sciences humaines et sociales et aussi, et surtout, l’intérêt général – n’est pas une bagatelle; faire appel à des personnalités émérites, pêle-mêle l’ESSCA – School of Management, le Dr Kirsty Smith, le Dr Baptiste Pointillart, la réalisatrice April Jones, le Dr Indigo Willing, le Dr Marie Mayassi ou encore le chercheur Kai Kagitani – dont les champs d’investigation sont variés et les conclusions passionnantes – révèle, qu’en tant que festival international, Connect œuvre pour un témoignage de bienveillance à bien des égards pour que l’esprit d’un jeu soit d’utilité publique. 

Ainsi, le skateboard, et son corollaire le skaturbanisme, en plus d’être d’utilité publique, devraient inspirer nombre de personnes investies dans le partage de leurs passions, quelles qu’elles soient, à sans cesse développer de nouveaux intérêts témoignant de la jouissance de ces espaces urbains, parfois la scène de mobilités douces, qui sont le théâtre de solidarités encourageantes pour un vivre-ensemble que certains acteurs politiques à travers le monde affaiblissent et dénigrent sans vergogne. 

8 – Redonner vie…

La pierre angulaire de tout projet de skaturbanisme a été posée lorsque les acteurs à la base de cette initiative, en particulier certains skatistas, influents ou non – les plus fervents adorateurs, voire administrateurs(!) d’un spot au destin unique – se sont accordés pour que jamais le souvenir des années passées à sublimer un élément d’un décor urbain ne se perde dans le marasme bureaucratique de la planification urbaine. 

C’est ainsi que l’on a redonné vie à la pierre de Vale do Arganbau, depuis trente ans un des plus célèbres spots de skate de Sao Paulo, au Brésil, afin que la mémoire des skaters, qui ont eu l’opportunité de s’illustrer comme les interprètes des travaux d’architectes et d’urbanistes, soit d’utilité publique. 

Du moins… d’une autre utilité!

Grâce à l’équipe en place pour Connect, Bordeaux a cette année l’honneur de recevoir Rafael Murolo et Murilo Romao et de présenter, grâce à la projection d’une vidéo retraçant la mise en place du projet de sauvetage de Vale – Saving Vale – leur implication en tant que skaters (architecte pour l’un et communiquant naturel pour l’autre) au sein du fameux crew de skaters brésilien Flanantes, dans le processus de skaturbanisme brésilien, à Sao Paulo.

Une telle projection est proposée par Connect car Léo Valls s’est rendu plusieurs fois au Brésil et est rentré avec une valise pleine de souvenirs. Il a fait la connaissance de gens formidables, nous a raconté quantité d’anecdotes. De mémoire de skater, proche de la quarantaine, ayant à son actif une bonne vingtaine d’années de pratique, le skate brésilien et le skate au Brésil n’ont pu passer inaperçus! Bon nombre de skaters professionnels, originaires du Brésil, font preuve de styles qui leur sont propres – de Bob Burnquist à Rodrigo Teixeira en passant par Alex Carolino (et Sergio Santoro… et Mike Mag… liste non-exhaustive de toute évidence) – mais on a tendance, du moins dans le milieu du skateboard international, à peu aborder les scandales politiques liés à la corruption de l’État brésilien, dont le seuil de pauvreté demeure accablant, et pourtant il faut prendre conscience que cela ne peut empêcher une communauté de skaters de s’impliquer dans la gestion des affaires qui leur sont propres, la gestion des affaires qui leur sont chères! 

C’est une certitude: il y a tout un pan du skaturbanisme qui veille à témoigner de l’importance du skateboard dans la construction d’une identité, individuelle certes, mais cet apport ne saurait être individualiste; Saving Vale doit servir d’exemple aux communautés skate à travers le monde et inspirer chaque skater impliqué dans une lecture de l’urbanité et des spots qui lui sont chers afin de préserver cet espace d’expression et pousser tous les usagers d’une ville à exprimer leurs suggestions pour honorer ces quartiers où ils vivent et évoluent.

9 – Revenir sur…

Nous réunir, d’années en années, afin d’évoquer les conditions d’évolution encourageantes et, pour ainsi dire, logiques de Connect et du skaturbanisme est une activité fascinante. 

Il faut pourtant assumer le constat suivant: malgré son engagement des plus prévenants et solidaires – Connect s’applique pour affronter les vices de notre temps – l’erreur est humaine; traverser cette époque de mécontentements justifiés implique d’étudier les positions, et les propositions, de tous.tes les acteur.ice.s de l’effervescence du skaturbanisme, même celles qui ont pu être surpris.e.s par certaines maladresses de la première édition.

Je parlerai en mon nom, étant directement concerné par le sujet.

L’an passé je me suis proposé de modérer l’échange entre trois skateuses, d’âges et de métiers différents, autour d’une table ronde importante: How to make it, when you are a skater girl 

J’ai pris la décision de nommer cette approche ainsi, sans pour autant savoir quelle ponctuation ou quel mode attacher à la proposition: je ne suis pas linguiste de formation – rhéteur encore moins – aussi j’ai assumé de recevoir observations et critiques, au cas où cette formulation (son titre) ne paraisse indélicate. Un point d’interrogation aurait impliqué que mes propositions, et celles de nos invitées, ne constituent une réponse évidente, invoquant les seuls engagements nécessaires à l’exposé. Un point, ainsi, aurait impliqué de réaliser, avec assurance et conviction, un exposé des plus détaillés et logiques. Tâche ardue! Peut-être ai-je refusé de choisir une formulation spécifique…

Je ne suis pas conférencier, seulement passionné par le skateboard et les relations humaines. Je suis ravi de m’être proposé de modérer cet échange car je n’ai absolument pas été surpris par la première intervention du public. La situation, pourtant, en a perturbé plus d’un.e. 

Cet intervenant avait été un visiteur d’origine belge, impliqué dans la création de spots D.I.Y., un acronyme qui signifie do it yourself. Le fait qu’un homme modère ce sujet l’avait chatouillé. Il avait pris la décision de manifester sa position en soulignant l’incohérence de l’organisation du festival et avait été salué par le public. Je n’ai pas été déstabilisé par cette observation, au contraire, je l’ai même soutenu lorsque nous nous sommes entretenus en privé, a posteriori. Toutefois, je n’ai pu m’empêcher de signifier à mon camarade qu’avec beaucoup de regret – en tant que organisateur.ices – nous avons dû nous rendre à l’évidence: nous avons bénéficié de trop peu de temps afin de trouver une intervenante, skateuse en priorité, pour modérer ce détail du planning de la première édition de Connect.

On apprend toujours de ses erreurs!

Que Connect ne représente un espace privilégié pour aborder la question de la planification urbaine adaptée à la pratique du skateboard en ville, en prenant en compte l’implication des skateuses dans ce protocole d’inclusion d’une minorité à une culture majoritairement masculine, est une position qui, pour un homme, peut sembler naturelle; il est facile de se prétendre tolérant, bienveillant ou inclusif mais, dans les faits, le privilège du genre n’est pas de disposer, seulement, de certaines caractéristiques biologiques et physiques qui parlent d’elles-mêmes: la nuance, et le message, qu’il s’agit, une bonne fois pour toutes, de faire passer, à toutes les communautés, relève davantage de cet inconnu que jamais nous ne serons dans la capacité de définir en tant qu’acteurs du genre masculin. Il semblerait que la communauté skate masculine conçoive son empreinte dans la société, de manière générale, avec une approche qui se veut sempiternellement binaire.

Que l’on se rassure: cette deuxième édition du festival Connect s’avère beaucoup plus riche.

10 – Artisanat du skateboard

L’art – comme le skateboard – est une forme d’expression aux facettes multiples, mystérieuses. L’art et le skateboard façonnent le réel. On ne saurait s’en saisir sans avoir fait l’acquisition évidente de connaissances, de références, d’adaptations et de réflexions. Les ancien-ne-s les auraient servies à leurs homologues, ou bien à un public critique – néophytes ou béotiens ont d’ailleurs tout intérêt à s’en mêler – et la postérité. Le but est de proposer une interprétation (voire une réinterprétation) de leur milieu – les systèmes et les organisations – avec, au choix, une posture, positive ou négative, pour créer un échange. 

Pour cette nouvelle édition de Connect dix artistes, aux médiums d’expression bien définis, relèvent le défi de présenter leurs idées et leurs créations à un public constitué, cela ne fait aucun doute, en partie de skateuses et de skaters. Certain.e.s, peut-être, ignorent que ces artistes font du skateboard. L’approche de ces artistes est intéressante car elle ne s’adresse pas à un public qui devrait absolument faire partie du sérail, celui du skate ou bien de la réflexivité propre à la création. Au contraire. Les politiques en place – et au service de tous.tes! – doivent se saisir de la volonté de skateboarders et d’artistes de transmettre un message à celleux qui, comme elleux, évoluent sur le pavé mais en interprètent différemment les fonctions premières: celles relatives au vivre-ensemble, tout simplement. Skateboard et art s’adaptent continuellement à leur environnement et l’époque, comme les politiques. Ainsi la répression de chacune de ces formes d’expression n’a aucun sens, c’est même contre-productif pour le futur de la cité.    

Skateboard et art présupposent que la démarche ne peut seulement être concluante si l’artisan.e s’est soumis à la critique et donné les moyens d’être respecté.e (ou non, c’est aussi important) par celles et ceux qui analysent, d’années en années, cette forme d’expression. Ainsi la pratique du skateboard et l’expression artistique ne sont pas si éloignées. De là à dire que le skateboard est un art, c’est un autre débat. Pourtant les deux formes d’expression ont en commun de témoigner de sensibilités qui définissent un sens du style. Il est intéressant de le soumettre à l’analyse, aussi bien esthétique que politique, dans la mesure où elle suppose une organisation. Celle-ci a forcément un but: les deux formes d’expression doivent ainsi être interprétées par toutes et tous. 
Un vernissage collectif – comme un festival de skaturbanisme – est peut-être un excellent moyen de faire honneur à une culture commune: il défend des postures et, en s’exposant à la critique du public, il devra forcément répondre aux questions que chaque individu peut être amené à se poser dans le cadre de la promotion des valeurs d’un milieu qui, dans tous les cas, ne sera pas révolutionnaire et pourtant, ce qui est le plus intéressant pour la promotion de cette culture, le mystère de la création jamais ne cessera de grandir, suscitant l’intérêt du public pour l’expression, peu importe la forme qu’elle prend.

11 – Humanité

Connect a, une nouvelle fois, fait appel à des intervenant.e.s plus que qualifié.e.s pour toucher un public concerné par l’évolution des sociétés à travers le monde. Parmi les personnes participant à cette nouvelle édition du festival nous ferons la connaissance de trois sommités, impliquées dans la transmission d’un des aspects les plus stimulants de la culture du skateboard par delà les frontières: le partage d’expériences et de projets, à destination des publics les plus jeunes et, surtout, les moins favorisés. 

Les parties prenantes d’un panel qui aura lieu dans la salle capitulaire de la Cour Mably le vendredi 17 octobre de 16h45 à 17h30, intitulé Les programmes sociaux autour du skateboard dans les espaces sous-représentés, sont:

  • le Dr Indigo Willing, universitaire et chercheuse à l’Université de Sydney, en Australie, co-autrice de Skateboarding, Power and Change, sollicitée pour être modératrice de cette conférence (se référer au podcast Radical Playtime – the podcast by Skateistan et à l’entretien entre le Dr Willing et Ruby Mateja pour en apprendre davantage sur l’implication de cette chercheuse australienne dans la gestion de ces sujets sensibles)
  • Denia Kopita, membre active de Skateistan et Free Movement Skateboarding basée à Athènes, une skateuse aussi douée pour la modélisation 3D que le partage de ces valeurs qui forgent le respect; citons ses propres mots, accordés à Mission Magazine l’été dernier “ Si tu m’avais dit il y a quelques années que je pourrais travailler dans l’industrie du skateboard tout en rendant le monde un peu meilleur, je t’aurai probablement dit que c’était impossible. Mais grâce à Free Movement Skateboarding et Skateistan, je peux faire en sorte que ce soit le cas!”
  • Le Dr Marie-Ermelinda “Maz” (ou “Mazza”) Mayassi, née à Paris et originaire du Congo, vivant en Angleterre, fondatrice de l’association Melanin Gals and Pals, conférencière – notamment pour Skateistan, Free Movement Skateboarding – dévouée aux lieux sûrs et aux rencontres entre black, indigenous and people of colour (BIPOC), membres de la communauté LGBTQI+ et femmes de tous âges, également très impliquée dans le partage de sa passion pour la musique propre au dancefloor.
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